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L'avenir est un miroir sans glace

Publié par ZeVinZ sur 19 Septembre 2013

L'avenir est un miroir sans glace

Il se réveille à coté de lui, et se dit en son for intérieur qu'il a encore passé une nuit douce, chaude et dans son sens tout personnel, merveilleuse. C'est vrai que parfois, il en oublie sa quête, son désir d'évolution quand il est à ses cotés. Mais pour autant ce jour, il doit le faire, et sortir observer les douces montagnes qui surplombent les collines de son enfance. Alors, il sort son épée du fourreau, ajuste sa cape, et sort au point du jour, méditer à la recherche de l'élémentaire légendaire. Il savait l'ancien conte du phénix, cet oiseau mythique qui était sensé renaitre de ses cendres, et, au détour d'un de ses voyages, il a pu découvrir celle du cryophénix. Ou quand l'oiseau de glace renait lui aussi. Et, enfin dehors, il s'en va méditer sur ce pic enneigé, dans l'espoir de pouvoir observer l'objet de son désir, comme une quête impossible à réaliser.

Chaque jour, son histoire tourne en rond. Chaque jour, comme un rêve brisé, le héros s'en remet au temps et ce cycle se répète inlassablement. Mais ce jour est exceptionnel en tous points. Quand il entend des cris au loin, et que lui, assis, l'épée posée en travers de ses cuisses en train de méditer, n'ose réagir, il voit le plus beau spectacle du monde et le plus triste à la fois. Le cryophénix apparait devant ses yeux, poursuivis par une bande de fous, prêts à en découdre. Mais l'élément de glace, froid et implacable, d'un battement d'aile, en transperce la moitié de lances gelées. Le sang rouge écarlate qui éclabousse la neige dénature la beauté de la scène. Et pour achever ce tableau tragique, l'un des survivants réussi à projeter sa lance sur le phénix qui, dévasté par la pointe grossière, tombe délicatement vers le sol, laissant derrière lui une trainée de poussière scintillante.

Dans sa mort, l'être gelé explose, et emporte les malfaiteurs dans sa chute. Tous prisonniers d'une petite montagne de glace, ils restent là, figés, pris dans l'étau mortel du froid jusqu'à la fin des temps. Le sage lui, méditant sur son rocher, est perturbé par la décharge d'énergie et décide d'observer le phénomène naturel. Alors, proche du monticule translucide, il voit les restes du phénix, recroquevillé, presque caché dans sa forme primaire d’œuf aqueux. Et l'humain, émerveillé, tombe à genou devant la déchéance de l'homme et le destin tragique de l'être mythique. Joignant ses mains près de son visage, il prie. Nul ne saura son souhait et sa recommandation, mais l'effet n'en aura été que plus merveilleux. L'être de glace, réchauffé par la ferveur et la peine de l'être avisé, réagit et, dans un sursaut de douleur, renait pour mieux resplendir.

Brisant sa coque de glace, les ailes comme du diamant, il s'élève dans les airs. Gracieux, léger, majestueux, il les étend, et s'en va vers d'autres horizons, espérant que la folie de l'homme ne l'atteindra plus jamais. Alors, l'autre reprend son épée, et retourne chez lui, se recoucher près du Doux, juste pour se réconforter dans la douce chaleur qu'il lui procure, et pour raviver son envie paradoxale d'avoir chaud quand l'être de glace ne lui apportait que la morsure du vent du Nord. Enfin, les deux corps enlacés, il se rendort, pensant avoir rêvé sa journée, pensant avoir été berné par l'imaginaire, quand son plaisir le plus pur est déjà tenu entre ses bras.

Froide est la douleur de croire que la chaleur ne reviendra jamais

John Berger

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