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Double Drink Girl

Publié par ZeVinZ sur 23 Mai 2013

Double Drink Girl

Devant ma tablette graphique, un gin/glace devant moi, je naviguais sur le net en me secouant doucement au rythme de la musique des années 60 qui passait dans le bar. C'est alors que cette fille est arrivée. Elle s'installe à côté de moi. Elle avait un air songeur, semblait concentrée, et, aux tics nerveux qui créaient de légers sursauts à l'un de ses sourcils, j'avais la forte impression qu'elle était un peu en colère. Elle s’asseoit sur le haut tabouret et commande une margharita et un whisky. Deux verres. Et elle ne sirote que son cocktail pendant une bonne heure. Je la regardais du coin de l’œil. Une petite brune, début de trentaine, plutôt jolie, maquillée légèrement et habillée très smart. Un brin sévère dans sa tenue générale, un brin coloré avec ses ongles rouges éclatants assortis à son rouge à lèvre. Une working girl à vrai dire, dans tout ce que l'on voit de plus ordinaire.

Au bout d'une heure, je me lance, je range mes affaires, la regarde et en lui souriant, j'engage la conversation:

- Bonsoir, tout va bien ?

- Bonsoir, oui merci, me répond-elle en tournant légèrement la tête vers moi.

- Je vois que vous avez deux verres ... et que vous êtes seule. Vous voulez danser avec moi ?

- Merci, mais non merci, je ne suis pas venue ici pour danser. Je ne suis pas seule, je vais devoir passer mon tour, dit-elle les yeux dans le vague.

- Ah bon ? Euh, vous attendez quelqu'un ? Ou peut-être travaille-t'il ici ? Ou il a du retard ?

- Et bien ... Je viens ici une fois par mois. Pour boire un verre avec "lui", me dit-elle en mimant les guillemets avec ses mains. J'étais avec quelqu'un qui est mort il y a deux ans, il m'a laissée seule dans cette ville. On venait à l'époque ici régulièrement, pour parler seul à seul, sans télé, sans téléphone. Mais j'ai l'impression en venant dans ce bar qu'il est avec moi. Je préfère rester avec lui si ça ne vous dérange pas.

J'étais vraiment étonné. Je trouvais ça glauque, et à la fois charmant, romantique, doux et attachant. J'ai pris donc l'initiative de poursuivre la discussion. Afin de mieux comprendre la situation... Je l'observais une dizaine de minutes sans rien dire et elle se mit à dire :

- En général, ils jettent les gens dans des centres spécialisés. Je parle des gens qui font comme je fais là : boire avec quelqu'un qui n'est pas dans la pièce...

- Euh ..., dis-je en hésitant, ne sachant pas trop quoi répondre.

- Je ne vais pas vous embêter, on est occupés à tenter de résoudre nos soucis. Je suis mieux seule, en couple. Avec vous, on est trois, c'est comme une foule. Vous comprenez ?

- Et bien euh .... hum ... d'accord ?

Et elle prit sa veste, déposa un billet de vingt, et s'en alla du bar. Et moi, sur mon tabouret, j'étais surpris, songeur et étrangement nostalgique... Je suis resté là quelques minutes, un peu stupéfait. J'ai regardé ma tablette, ma montre, mon verre à moitié vide. J'ai pris mes affaires, payé ce verre, et je suis parti, me disant que c'en était assez pour la soirée.

Rien n'est plus vivant qu'un souvenir.

Federico Garcia Lorca

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